La cancel culture, l’arme de censure et de boycott née à la fin des années 2010 aux Etats-Unis semble ne pas être assez puissante pour neutraliser la carrière de célébrités aussi imposante que Kanye West, célèbre rappeur américain aux nombreux investissements et à la carrière musicale honorée et reconnue de tous.
La cancel culture, ou la « culture de l’annulation, » à l’origine de la vague du mouvement Me too est défini par Radio France comme une pratique qui consiste à « appeler à la disparition d’une personne, d’un spectacle, ou encore d’un écrit, afin de le faire oublier, suite à un comportement jugé inacceptable ». Pour y parvenir, l’annulant demande à son réseau de le soutenir et de partager ses arguments pour créer une actualité qui sera reprise dans les médias, et diffuser une image négative, voire pestiférée de la personne ou l’objet à effacer d’une culture commune. Plus largement, le dictionnaire Merriam-Webster définit la cancel culture comme “le retrait massif du soutien à des personnalités publiques ou à des célébrités qui ont fait des choses qui ne sont pas socialement acceptées aujourd’hui. Cette pratique de la honte collective se produit souvent sur des plateformes de médias sociaux telles que Twitter, Instagram ou Facebook”.
Kanye West, l’homme de toutes les controverses
Dans le cas de Kanye West, le rappeur aurait perdu deux milliards de dollars suite à sa rupture soudaine de contrat provoquée par Adidas et Balenciaga après avoir tenu des propos jugés antisémites. L’artiste de 45 ans avait en effet posté un tweet polémique concernant les personnes de confession juive. Dans le tweet on peut lire “when I wake up, I’m going death con 3 on Jewish people”, ce que peut rappeler l’expression “DEFCON 3”, un acronyme qui fait référence à l’état d’alerte élevé de l’armée américaine. Plus récemment encore il a fait l’éloge d’Adolf Hitler, sur le plateau de l’animateur de radio et figure de l’extrême droite américaine Alex Jones. Le rappeur a affirmé que le dictateur allemand, responsable de la mort de près de 6 millions de juifs ainsi que des communautés tsiganes et homosexuelles, avait fait de bonne chose pour son peuple et devrait être pardonné par la communauté juive. Des propos qui lui ont valu de perdre un diplôme honorifique que la School of the Art Institute lui avait attribué en 2015.
Ce dérapage médiatique n’est pas le premier de l’artiste diagnostiqué bipolaire. Depuis 2004, l’ex mari de Kim Kardashian, une femme d’affaire americaine, n’a cessé d’enchaîner les scandales, comme en 2018, lorsqu’il avait déclaré que l’ésclavage subi par les afro-americains durant 400 ans était un choix. Après presque vingt années de scandales, l’image de Kanye West n’a jamais été aussi ternie, l’artiste reçoit depuis quelques mois les foudres des plus grandes personnalités des Etats-Unis, il semble être ostracisé par ce que l’historienne et professeure française du département d’études françaises et francophones de l’université de Californie, Laure Murat, a appelé la « culture de la protestation ».
Kanye West invincible face à la cancel culture ?
Celui qui se fait désormais nommer « Ye » n’a pourtant pas dit son dernier mot. Il semble avoir une carrière bien solide et une fortune trop imposante pour être affecté d’une quelconque manière, comme en témoigne la présence de sa discographie sur les plateformes de streaming. L’artiste au million d’abonnés sur les réseaux sociaux est toujours présent sur Spotify ou encore Apple Music, et continue de percevoir ses redevances. Kanye West n’en est pas au début de sa carrière, il cumule à lui tout seul des centaines de millions d’écoutes sur spotify, et était d’ailleurs l’artiste le plus écouté de la plateforme il y a encore quelques mois.
La cancel culture est connue pour ne jamais avoir affecté les plus puissants du milieu de l’industrie de la musique et du divertissement. Mel Gibson, acteur principal du film L’arme fatale (1987) par exemple, avait connu dans les années 2000 une vague de boycotts médiatiques après avoir déclaré que, « les juifs sont responsables de toutes les guerres de l’histoire. » En plus de n’avoir jamais été boycotté par Hollywood, l’acteur avait reçu le soutien d’acteurs de renoms tels que Gary Goldman. Il en est de même pour JK Rowling, l’auteure des romans Harry Potter qui tweetait fièrement en octobre dernier n’avoir pas été financièrement affectée par la cancel culture bien qu’elle ai publiée des tweets jugés transphobes. Les recettes de ses précédents ouvrages nourrissent continuellement son compte en banque comme elle l’a affirmée dans un tweet datant d’octobre dernier.
Dans le cas West, il semble que le rappeur soit trop populaire pour être ostracisé. En plus d’un potentiel retour sur twitter après l’achat de l’application par Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, Kanye West a vite retrouvé une partie des deux milliards de dollars qu’il dit avoir perdu après avoir reçu, au travers d’une cagnotte créée par ses fans, des millions de dollars de dons afin de combler les pertes liés à ses propos jugés antisémites.
Cancel Culture : une pratique en faveur des hommes ?
La cancel culture n’est que rarement efficace lorsqu’elle touche des personnalités publiques influentes comme nous le confie Anaïs, une étudiante de Science-po Lille et ancienne utilisatrice de twitter qui a elle-même subi la cancel culture lors du premier confinement. « Lorsque j’ai été call-out (publiquement pointé du doigt) sur twitter pour avoir dit que les femmes ne portent pas de barbe, j’ai immédiatement été jugé de transphobe. J’ai du supprimer mes réseaux sociaux rapidement car je recevais des dizaines de messages de haine par minutes. En revenant sur l’application j’avais perdu la plupart de mes followers et dès lors que je tweetais de nouveau on m’insultait, j’avais été fichée pour une période indéterminée », raconte-t-elle. Selon l’étudiante, « un artiste masculin a beau être cancel par un groupe majoritaire, son art continuera d’être consommé et continuera de nourrir l’artiste ».
Un scandale prémédité par l’artiste ?
Le média RapidsCrew va plus loin encore et considère que Kanye West aurait provoqué ce scandale afin de se débarrasser de ses collaborateurs (Balenciaga et Adidas) et reprendre le pouvoir sur l’image de sa marque Yeezy. Une information confirmée par Candice Owens, commentatrice politique américaine et amie de Kanye West. Elle a déclaré sur sa chaine youtube ce mercredi 09 novembre que Kanye lui avait avoué se sentir « enfin libre ».