Le RSA (Revenu de Solidarité Active) assure aux personnes sans ressources un minima de revenu. Il est ouvert à tous, sous certaines conditions et est accessible aux jeunes de moins de 25 ans, non-étudiants, parents isolés jusqu’à l’âge légal du départ à la retraite (maintenant de 67 ans). Les allocataires de ce RSA représentent 4% de la population active de la France métropolitaine soit près de 2 millions de bénéficiaires, d’après les chiffres du Ministère de la Santé et de la Prévention de décembre 2021. Les mères seules et les jeunes seront les premiers touchés par cette réforme du revenu minima.
« C’est une réforme qui passe hors radar, pour tous ceux qui s’y intéressent » affirme Arthur Delaporte, député Parti socialiste de la deuxième circonscription du Calvados.
Pourquoi la réforme fait-elle débat?
Un mois après l’adoption de la loi, la réforme introduit un nouveau système visant à favoriser l’insertion dans le monde du travail, en imposant un quota de 15 heures de travail ou d’activité aux bénéficiaires du RSA, déterminé par les services sociaux. Des sanctions sont prévues par le gouvernement en cas de non-respect de ces heures imposées, allant jusqu’à la suspension ou à la suppression des versements du revenu.
Une conseillère locale d’insertion d’Ile-de-France souligne que, selon elle, « la réforme ne va pas changer majoritairement grand chose. » Les services sociaux proposent déjà un accompagnement dans de nombreux départements et missions locales, sans que la réforme soit nécessaire. Elle explique également qu’un nouveau diagnostic sera effectué en collaboration avec les différents services afin de les orienter de manière adaptée pour les aider et les accompagner. Ce qui changera réellement avec la réforme, c’est l’obligation pour les bénéficiaires du RSA de s’inscrire à Pôle Emploi.
La réforme est qualifiée « scandaleuse » affirme Arthur Delaporte, député du Parti Socialiste de la deuxième circonscription du Calvados, lors d’ un entretien exclusif portant sur l’impact de la réforme sur les jeunes résidents en métropole et dans les territoires ultra-marins. Monsieur Delaporte affirme que cette réforme est passée inaperçue. Selon lui, les sanctions prévues par la réforme pourraient entraîner une réduction de « 50 à 80% du montant de l’allocation » pour les bénéficiaires.
« On ne sait pas ce qui est mis en place comme sanction. […] On a légiféré à l’aveugle et on ne sait pas demain quelle sera la nature des sanctions. », poursuit-il.
Après de nombreux débats et les interventions de Monsieur Delaporte, qui a interpellé le ministre du travail, Olivier Dussopt, à plusieurs reprises sur le montant des sanctions, que ce soit en commission parlementaire ou dans l’Hémicycle, peu d’informations ont été divulguées concernant les sanctions.
Les jeunes, premiers touchés par cette réforme du RSA
« Le vrai sujet c’est qu’avant 25 ans, on ne peut pas bénéficier d’une allocation d’autonomie ou d’une allocation minimum » dénonce le député.
Une autre allocation, proche du nouveau RSA, le Contrat d’Engagement Jeune, mis en place en 2020, et mis en oeuvre par France Travail (anciennement Pôle Emploi) et les missions locales, aident les jeunes à trouver une voie d’insertion dans la vie active. Elle met en œuvre un accompagnement pour les jeunes de moins de 25 ans, avec déjà 15 heures d’activité renforcée.
La réforme suscite des débats concernant le traitement des jeunes, car elle supprime un accompagnement spécifique dans certaines missions locales. De plus, l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA chez Pôle Emploi, renommée depuis la réforme par France Travail, entraîne également une surcharge de travail pour les travailleurs sociaux, ce qui pose problème. Cet engorgement va notamment pénaliser « l’accompagnement, les conseils et l’appui » des jeunes en insertion et qui ont besoin de cet assistance de France Travail et des missions locales.
« En France, on est à un [conseiller de France Travail] pour 97 usagers » assure le député.
Le gouvernement a annoncé des vagues de recrutement dans le service public pour faire face à cette nouvelle obligation imposée aux bénéficiaires du RSA. Monsieur Delaporte a aussi interpellé le ministre du travail, Olivier Dussopt, sur ce sujet et affirme : « Durant tous les débats, nous avons insisté pour connaître le nombre de recrutements prévus. Aujourd’hui, nous allons imposer des obligations supplémentaires au service de l’emploi sans lui fournir les moyens nécessaires, ce qui entraînera une détérioration de l’accompagnement et du service public ».
La réforme fait aussi parler dans les Outre Mer.
« On stigmatise les allocataires du RSA et c’est problématique. C’est surtout problématique dans les départements d’outre mer où on a un taux d’allocataires du RSA qui est beaucoup plus important » affirme le député.
Les départements d’outre mer sont directement impactés par cette nouvelle réforme. La population des outre-mer est jeune, avec des taux de chômage et d’inactivité chez les jeunes importants. En renforçant les sanctions contre les bénéficiaires du RSA, surtout dans les territoires ultra-marins, on prive les jeunes, et surtout les femmes dans les territoires d’Outre-mer, de moyens pour subvenir à leurs besoins.
La réforme a aussi suscité de nombreux débats chez les députés d’Outre-Mer. La réforme a été adoptée par ordonnance pour les territoires ultra-marins (Guadeloupe, Martinique, Réunion…) sans débats et sans connaître les spécificités de ces territoires. Le gouvernement est notamment critiqué par de nombreux députés ultramarins sur les collectivités ultra-marines (surtout sur l’inflation, le manque de ressources, le manque d’aides en cas de catastrophes naturelles, et les crises successives sur l’eau potable…)
« Il y a un collègue, je trouve qui a eu des mots assez juste. Il y a une forme d’infantilisation des outre mer et de ses représentants » , confie Monsieur Delaporte.
Pour de nombreux députés, la voie de l’ordonnance fait éviter au gouvernement un débat avec les Outre-Mer. L’absence d’emploi stable en nombre suffisants ne peut permettre à cette réforme d’aboutir dans ces territoires.
La réforme en cours est déjà largement critiquée par de nombreux membres de l’Opposition et reste floue aux yeux de nombreux travailleurs sociaux qui ne la trouvent pas convaincante. Ainsi, il est encore incertain de savoir comment cette réforme affectera concrètement la vie des bénéficiaires du RSA. Le RSA, qui a été introduit en France métropolitaine en 2009 et dans les DOM-TOM en 2011, permet à plus de 2 millions de personnes seules sans enfants à charge de recevoir environ 608€ par mois (sans prendre en compte la prime logement ou la prime d’activité). Il s’agit d’une institution économique majeure en France qui profite à de nombreux bénéficiaires précaires répartis sur l’ensemble du territoire