Crucifix hérité par John Bosco Noronha que les prêtres Jésuites se transmettent de génération en génération // C. Derahmoune // 2023

Religieux et comédien : John Bosco Noronha transforme la scène en chaire

« Quelle est la bonne voie ? » tirée de l’évangile de Jérémie (6 :16), cette question, est, selon John Bosco Noronha, essentielle dans le cheminement. Le religieux et comédien anglais questionne Dieu pour tout. Un doute ? Une décision à prendre ? Une difficulté ? C’est auprès de Dieu qu’il trouve toujours une réponse, une exhortation, une lumière.

 A 36 ans, il est en troisième année d’études de théologie et de philosophie au Centre Sèvres, dans le 6ème arrondissement de Paris. Pourtant, l’étudiant n’a jamais voulu devenir prêtre, et encore moins en France. Comment en est-il arrivé là ? Dans cette interview, il nous explique que c’est sa créativité qui l’a mené vers Dieu. A travers le récit de son parcours, le futur prêtre nous raconte comment il a mis l’art au service de sa foi.

Quel a été l’appel qui vous a conduit à choisir la voie religieuse ? Pouvez-vous nous partager une expérience marquante à ce sujet ?

Je n’ai pas choisi de devenir prêtre ! J’ai entendu l’appel de Dieu et je l’ai suivi. J’ai toujours cru en Dieu, depuis que je suis très jeune et j’ai deux expériences marquantes à vous raconter ! La première, c’était en 2008, lors d’un festival pour les jeunes chrétiens, à Londres. Il y avait une troupe de théâtre, Rise Theater. C’est un groupe de jeunes artistes chrétiens qui écrient et jouent des pièces de théâtre en rapport avec le catholicisme. Quand je les ai vu sur scène, j’ai compris que je pouvais lier ma foi et l’art. J’ai rejoint la troupe et je travaille toujours avec aujourd’hui. Puis, en 2017, j’étais à la messe, dans l’église que je fréquentais à Londres. On fêtait Pâques avec les autres fidèles. Le prêtre est venu me voir pour me dire que le prêche du jour me sera destiné. La lecture de l’évangile de Jean a illuminé mon cœur. J’ai compris que je devais passer ma vie à être disponible pour les autres pour satisfaire Dieu.

Pensez-vous que rendre service aux autres est votre mission principale en tant que religieux ?

Oui ! Rendre service aux autres est au cœur de ma vocation. En prenant mes vœux de chasteté, d’obéissance et de pauvreté, je me suis engagé auprès de Dieu à toujours aider les autres. J’obéis à mon Supérieur, le Père Provincial, qui choisit pour moi les endroits dans lesquels je dois intervenir. J’habitais dans le 15ème arrondissement de Paris et je lui ai dit que je ne me sentais pas suffisamment pauvre, ni même exposé à la pauvreté. Alors, j’ai demandé à mon Père Provincial si je pouvais aller en mission dans un endroit dans lequel je me sentirai utile. C’est comme ça que je suis arrivé à Saint-Denis il y a quelques mois. Dans cette ville, je pense que je respecte mieux mon engagement auprès de Dieu. J’aime aider les autres, ça me permet de me détacher du matériel et de me rapprocher de Dieu.

La Bible que lit John Bosco Noronha depuis plus de vingt ans. Au second plan, le blason de la Compagnie de Jésus et une bougie qui symbolise pour lui la lumière de Dieu. // C. Derahmoune // 2023

Y a-t-il autre chose que vous aimez dans votre vocation religieuse ? Est-ce un mode de vie qui vous satisfait ?

Ce que j’aime le plus, c’est ma liberté. Je considère que mon choix de vie m’a permis de m’émanciper de toutes les responsabilités que peut avoir un adulte. Par exemple, quand je vois ma sœur qui est mariée, maman et médecin, je me demande vraiment comment elle fait pour gérer sa vie (rires) ! Alors que moi, je laisse ma vie entre les mains de Dieu. Il y a un concept ignacien qui s’appelle la consolation : ça consiste à accepter et aimer tout ce que Dieu nous donne. C’est ça qui me rend heureux, vivre en harmonie avec Lui.

N’y a-t-il pas tout de même des difficultés dans la vie de religieux ?

Si, bien sûr que je rencontre des difficultés. Mon épreuve, c’est la pauvreté. C’est le point sur lequel j’ai dû le plus travailler. Je suis issu d’un milieu aisé, j’ai toujours aimé les beaux vêtements et aimé manger dans des restaurants de luxe. J’ai dû renoncer à mon train de vie pour Dieu. Et c’est sans doute pour cela que j’aime aider les autres : ça me permet de travailler exactement sur le point que je dois corriger en moi. Y a aussi une autre difficulté à laquelle je pense : le français ! Je ne parlais pas un mot de français quand je suis arrivé à Paris ! J’adore rencontrer des gens et parler avec eux et là, j’étais complètement isolé. Heureusement que j’ai vite appris !

Pouvez-vous nous raconter comment vous avez réussi à vous adapter à un nouveau pays ? Pourquoi avez-vous choisi la France ?

Je n’ai pas choisi la France, j’étais même triste de venir vivre ici (rires) ! C’est mon Supérieur qui a voulu ça pour moi. En plus, je n’aimais pas le français. J’en ai fait pendant un an quand j’avais 11 ans et je n’avais presque rien appris. J’ai demandé à Dieu de m’accompagner dans cette épreuve. J’avais peur d’étudier la théologie et la philosophie dans une langue que je ne connais pas. J’ai appris le français à l’Institut Catholique de Paris et je suis finalement tombé amoureux de la France et de Paris ! C’est là que j’ai pu faire des rencontres et sociabiliser.

En tant que jésuite, vous passez votre vie à découvrir le monde et rencontrer des gens, vous êtes souvent en déplacement. Pouvez-vous nous parler de votre dernière représentation théâtrale à Lyon ? Quels messages voulez-vous transmettre à travers le monde ?

Je pense que l’art et la spiritualité sont complémentaires. Il faut faire preuve de beaucoup de créativité pour cheminer vers Dieu. En France, j’ai pu jouer mes pièces de théâtre à plusieurs reprises dans des écoles catholiques ou lors d’évènements religieux. A Lyon, c’était justement dans une école que j’ai joué Ignatius: The Knight Who Fell to His Knees, une œuvre qui commémore Ignace de Loyola, le Saint qui a fondé la congrégation Jésuite au 16ème siècle. A travers mes spectacles, je veux apprendre aux enfants des valeurs essentielles dans le catholicisme : le discernement, le cheminement et la confiance en Dieu.

J’ai aussi monté une pièce de théâtre aux Philippines, dans un orphelinat, Graine de Moutarde, qui fait écho à une parabole dans la Bible (Marc 4 :30-32). Grâce au théâtre, ces enfants sont passés des ténèbres à la lumière : ils étaient dans la rue, invisibilisés et puis, ils sont montés sur scène, sous les projecteurs et tous les regards étaient sur eux.

Vitraux de l’Eglise Saint-Ignace à Paris. // C. Derahmoune // 2023

En tant que religieux et comédien, vous mettez donc l’art au service de votre foi. Cependant, y a-t-il des moments où les valeurs ou les messages véhiculés dans le domaine artistique entrent en conflit avec vos convictions religieuses ? Avez-vous des regrets quant à vos choix de vie ?

Je n’ai aucun regret et je suis très heureux d’avoir réussi à concilier ma passion avec ma foi. Dans le conservatoire dans lequel j’ai étudié à Londres, il y avait parfois des malentendus avec les professeurs ou les autres étudiants. Ils ne comprenaient pas comment je peux être comédien et chrétien pratiquant. Pourtant, à l’époque, je n’étais même pas religieux. Aujourd’hui, je réagirai mieux face aux malentendus car j’ai compris que tout le monde avait sa place auprès de Dieu, y compris moi, car tous ces malentendus me faisaient aussi me remettre en question.

Pensez-vous que la diversité culturelle, religieuse, et sociale est importante au sein de l’Eglise ?

La diversité est primordiale pour que tout le monde puisse trouver sa place auprès de Dieu. Certaines interprétations de la Bible peuvent laisser penser que Dieu n’accepte pas tout le monde. En réalité, le message de Dieu et universel et intemporel. A travers ma vocation et mon travail, je veux rassembler les gens.

Pour finir, quel est le passage de la Bible qui vous inspire le plus et qui pourrait s’adresser à tout le monde ?

« Voici ce que dit l’Eternel : Placez-vous sur les chemins, regardez et renseignez-vous sur les pistes qui ont toujours été suivies. Quelle est la bonne voie ? Marchez-y et vous trouverez le repos pour votre âme ! » Jérémie 6 :16. C’est ce verset qui me guide au quotidien. Je recommande à tout le monde de méditer dessus !

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