A l’occasion de la sortie de The Killer le 10 novembre sur Netflix, la Cinémathèque Française organise du 13 au 22 octobre une rétrospective sur David Fincher qui a animé, samedi 14 octobre, une masterclass exceptionnelle devant 400 cinéphiles.
Une projection exclusive
La salle était comble samedi dernier pour assister à la masterclass « Une leçon de cinéma » par David Fincher. En introduction, les spectateurs ont pu apprécier la diffusion d’une bande annonce réalisée par Fincher lui-même à l’occasion de l’événement. Il en ressort ses plans emblématiques piochées dans ses classiques : Seven, Fight Club, Gone Girl... et se termine sur un aperçu de son prochain long-métrage : The Killer. Si les fans les plus chanceux ont pu découvrir le film la veille, les autres trépignent d’impatience.
Premier temps fort de cet après-midi : la projection de Zodiac en pellicule 35mm. Une première selon le Frédéric Bonnaud, directeur de la Cinémathèque française qui rappelle que paradoxalement le film est le premier long-métrage de David Fincher tourné complètement au numérique. C’était en 2007. Seize ans plus tard, les passionnés sont ravis de redécouvrir l’un des chef d’œuvre du maître de l’énigme dans une version inédite.
« David Fincher by David Fincher »
A la suite du visionnage, le réalisateur entre en scène sous un tonnerre d’applaudissements – non pas sans un léger retard qui laisse planer le suspens autour de sa venue.
Il commence par évoquer ses premiers souvenirs du Zodiac alors qu’il était enfant à San Francisco où le tueur sévit dès la fin des années 60. Il explique que son envie de faire du cinéma remonte aux premiers tournages qu’il voyait de loin en Caroline du Nord où Georges Lucas et d’autres venaient tourner : « le cinéma ne m’a jamais paru inaccessible ». Puis, guidé par le maître de cérémonie, il fait le point sur sa filmographie : Millénium : Les hommes qui n’aimaient pas les femmes, Fight Club, The Game, The Social Network et inévitablement The Killer. Sur ses choix de scénario, il déclare : « On ne sait jamais vers quoi on sera attiré. » Comprenez, il n’a aucun schéma. Lorsqu’on l’interroge sur son obsession pour la maîtrise, c’est avec beaucoup d’humeur qu’il affirme que le cinéma n’est rien d’autre qu’une « opération militaire effectuée par des enfants précoce. » Rien est véritablement maîtrisé. Sa collaboration avec Netflix ainsi que son rapport à la technologie sont également évoquées. Aux commandes de la série Mindhunter et Mank disponibles sur la plate forme de streaming, Fincher nous rassure sur la survie de Hollywood. Son départ des studios n’est pas synonyme de la mort du cinéma. Il assure que six cents films ont été réalisés l’année dernier et que si certains seront oubliés, d’autres resteront dans les anales. Pour lui, Hollywood est plus que jamais au sommet.
Après quarante cinq minutes d’échange, le micro est tendu à quelques personnes dans la salle. Les questions débordent. Aura-t-on un jour une saison 3 de Mindhunter ? Très peu probable, révèle tristement Fincher. A moins de rassembler cinq millions d’individus et que chacun sorte dix dollars de sa poche. Est-ce que 20 milles lieux sous les mers est toujours d’actualité ? Plus vraiment, confie le réalisateur, Disney et lui ont eu des différences artistiques. Quelques mots concernant le clip « Who is It ? » de Michael Jackson ? « La plus grosse merde que je n’ai jamais fait » admet-il en riant. Le chanteur n’était pas présent sur le tournage et fut remplacé par une doublure. Une anecdote qui amusa la galerie.
L’hommage au grand
Alors que la masterclass touche à sa fin, Fincher se voit récompensé d’une standing ovation de la part du public et d’une plaque à son nom offerte par la Cinémathèque Française. Frédéric Bonnaud explique au réalisateur qu’une copie sera accrochée au dos d’un des sièges de la salle – tout près de Martin Scorsese, Robert Redford et d’autres grands noms du septième art.
Le réalisateur quitte sans se presser la salle et prend le temps de signer quelques autographes. Il est pourtant attendu quelques rues plus loin pour la projection de The Killer, au Christine Cinéma Club.
Une rétrospective pour les amoureux du cinéma
David Fincher a su au fil des années s’imposer comme un réalisateur aguerri, révolutionnaire, mais aussi controversé. Avant d’entrer à Hollywood, Fincher réalise des spots publicitaires et des clips vidéos pour de grands noms de la chanson comme Madonna et Aerosmith. C’est d’ailleurs peut-être de là que lui vient sa maîtrise des bandes originales. Son premier long métrage, Alien 3 sorti en 1992 est un échec. Quelques années plus tard, Seven, l’histoire d’un duo d’enquêteurs traquant un tueur en série, le propulse au sommet et marque l’un de ses sujets de prédilection : le thriller psychologique. Fincher s’appuie sur des anti-héros et redéfinie le film noir à l’aide de suspens, violence et d’horreur en créant une énigme dont l’issue est imprévisible. Ses personnages sont souvent pris au piège et reflètent les travers de la société américaine. Pionnier dans l’utilisation de nouvelles technologies au cinéma, il fut l’un des premiers à passer au numérique et à s’allier avec Netflix pour lequel il mène à termes quatre projets : House of Cards, Mindhunter, Love death and Robots, et Mank. Manipulateur, son perfectionnisme, ses mouvements de caméra filaires, sa photographie unie et son association musicale de longue date avec Trent Reznor et Atticus Ross sont sa signature.
Adulé par certains, il fait néanmoins l’objet de controverse auprès de certaines spectatrices qui, dans la quasi exclusivité de personnages masculins, y voient un exemple du patriarcat. En 2014, la sortie de Gone Girl avait fait grand bruit dans la sphère féministe qui considérait le personnage féminin, Amy, jouée par Rosamund Pike, comme un cliché patriarcal mis en scène par un misogyne. Malgré ces critiques, le film reste un des plus grands succès du réalisateur.
Plutôt dans l’année, Fincher a été récompensé d’un César d’honneur remis pour l’occasion par un invité surprise, son acteur fétiche – Brad Pitt.
Lancée le 13 octobre par l’avant-première de The Killer, la rétrospective sur David Fincher continue à la Cinémathèque Française jusqu’au 22 octobre. Au programme : diffusion de sa filmographie suivie de discussion et débat. Le détail du programme est disponible sur le site de la Cinémathèque française (https://www.cinematheque.fr/cycle/david-fincher-1126.html)
Pour approfondir le sujet
- David Fincher ou l’heure numérique, Guillaume ORIGNAC, 2014, Capricci • David Fincher, Néo-noir, Rockyrama, 2021, Rockyarama
- David Fincher, l’obsession du mal, Juliette GOFFART, 2021, Marest
- David Fincher: Mind Games, Adam NAYMAN, 2021, Abrams Books
- « Clique X David Fincher, », Canal +, https://www.youtube.com/watch? v=2ykcUuZg9hI&ab_channel=CliqueTV
- « Le style de David Fincher », OCS, https://www.youtube.com/watch?v=-KSgEUgv Vw&ab_channel=OCS