« Le Bahianais ne naît pas, il entre en scène » (Proverbe brésilien). Deux Brésiliens originaires de Bahia recréent les plus grandes festivités culturelles afro-brésiliennes à Paris, dans le but de préserver leur culture et de promouvoir un patrimoine séculaire qui leur est cher.
Sur les rives de la Seine ou en face de l’église de la Madeleine, hommes et femmes vêtus de blanc célèbrent, en chantant et en dansant, la culture afro-brésilienne. À la tête de ces manifestations culturelles de la capitale cosmopolite française, on trouve Roberto Chaves, directeur artistique du Lavage de la Madeleine, le plus grand festival culturel brésilien en France, et Tom da Bahia, fondateur de l’association Odoyá.
Alors que Roberto Chaves organise, depuis 2002, le Lavage de la Madeleine, Tom da Bahia a lancé son association en célébrant Iemanjá, la « reine des mers », aux quais de Seine en 2023. Ces deux artistes brésiliens devenus parisiens incarnent un héritage culturel singulier, qui fusionne l’Afrique, l’Europe et l’Amérique.
Robertinho Chaves, l’artiste de Santo Amaro qui illumine Paris
Né à Santo Amaro (Brésil) et élevé au sein d’une famille interreligieuse, Roberto Chaves est le fruit de l’union entre une mère protestante et un père du candomblé. En 1990, l’occasion de venir en France s’est présentée à lui grâce à la demande de Remy Kolpa Kopoul de Radio Nova, un « amoureux du Brésil » qui a fait appel au chanteur Gilberto Gil pour que ce dernier ramène un groupe d’artistes pour faire une tournée publicitaire pour Schweppes et Guarana. Il pointe :
J’étais le conseiller de Gilberto Gil, le conseiller municipal de Salvador. Il m’avait demandé si je dansais, et lorsque j’ai répondu que ‘Oui’, il m’a dit ‘Alors, tu vas venir avec moi pour faire une tournée pour Schweppes et Guarana’. À cette époque, plusieurs sociétés comme Orangina utilisaient les chansons d’été brésiliennes qui cartonnaient en France pour leurs publicités.
C’est ainsi que Robertinho Chaves a tout laissé derrière lui au Brésil pour partir en tournée en France, où il a décidé de construire une nouvelle vie.
Afin de préserver le lien avec ses racines, Roberto a eu l’idée de recréer l’un des événements les plus emblématiques du Brésil : le Lavage de la Bonne-fin. Bien que l’artiste ait initié une première tentative en 1998 au Sacré-Cœur, ce n’est qu’à partir de juin 2002 qu’on a donné un nom à ce projet grâce à sa collaboration avec l’église du 4ᵉ arrondissement : le Lavage de la Madeleine.
De Wellington Dantas à Tom da Bahia : du terrain de football à la scène musicale
Tout comme Chaves, Tom da Bahia est un Bahianais né dans le candomblé. Mais si ce dernier est venu en France en tant que joueur de foot en 2005 chez l’Entente Sannois Saint-Gratien sous le nom de Wellington Dantas, Tom da Bahia explique la raison pour laquelle il a changé son nom d’artiste : « Toute l’année, je donne de nombreux concerts et je veux emmener Bahia, ma fierté, avec moi. Je veux que les gens se souviennent d’où je viens ».
Originaire d’Itabuna (Brésil), Tom da Bahia a fondé en mars 2023, en collaboration avec son épouse, l’association Odoyá dans le but de promouvoir la richesse de la culture brésilienne à travers la musique, la danse et la gastronomie. Le terme « Odoyá » est l’une des appellations dédiées à Iemanjá, souvent désignée comme « la mère des mers et de l’humanité », une figure emblématique au sein du candomblé, religion afro-brésilienne du 18ᵉ siècle.
Si Wellington Dantas et Roberto Chaves sont venus en France pour des raisons qui diffèrent, leur attachement à leur culture d’origine demeure fort. Animés par le banzo, qui évoque « la nostalgie » à Bahia, Robertinho Chaves et Tom da Bahia s’attachent à reproduire leurs traditions à plus de 8 000 km de leur terre natale. Mais si en France, l’accent est mis sur le caractère symbolique et culturel de leurs traditions, au Brésil, le culte occupe une place prépondérante.
Du Lavage de la Bonne-fin au Lavage de la Madeleine
Depuis juin 2002, Roberto Chaves organise le Lavage de la Madeleine qui s’inspire du Lavage de la Bonne-fin, un événement célébré à Bahia depuis le 18ᵉ siècle qui symbolise le syncrétisme religieux du Catholicisme et du candomblé. Avec l’aide de son frère, Pai Pote, prêtre de candomblé, et le soutien de 450 artistes issus de groupes de musique et de danse brésiliennes à Paris, Roberto Chaves organise le défilé une fois dans l’année.
Le 10 septembre dernier, le festival culturel brésilien a célébré sa 21ᵉ édition attirant, selon son fondateur, près de 60 000 participants. Selon Chaves, « la majorité de ces artistes sont des Français aux multiples origines ». Le directeur artistique souligne que « Ce festival n’est pas un carnaval, mais une manifestation culturelle qui sert de tremplin pour donner de la visibilité aux arts, à la culture et aux associations brésiliennes ».