Pour clôturer l’année, les Églises évangéliques africaines multiplient les veillées de prière à Paris, capitale de la francophonie.
La Bible à la main, portant des tenues aux motifs africains, les fidèles convergent vers leur lieu de culte à Garges-lès-Gonesse (95). En ce vendredi soir, sur le Boulevard de la Muette, près de cinq églises évangéliques africaines organisent des veillées de prière au premier étage d’un entrepôt. Parmi ces églises, figure Servir Jésus-Christ (SJC), une structure créée en 2023 par Luzolo Nabié et regroupant surtout des ouailles Africaines et Antillaises.
Les fidèles sont debout pour chanter les louanges, suivies d’un message principal du pasteur Nabié ponctué de « Amen » en cœur de l’assemblée. La veillée de prière de l’église SJC est accompagnée d’un bourdonnement incessant des salles voisines, louées par d’autres congrégations.
Une église de diaspora
En 2009, Servir Jésus-Christ n’était qu’une cellule de prière composée d’un groupe de cinq personnes. Elle compte aujourd’hui 60 membres et a été officialisée par son pasteur principal, Luzolo Nabié, en juin dernier.
Fonctionnaire à la mairie de Garges-lès-Gonesse, Luzolo Nabié est arrivé en France en 2003 depuis la République Démocratique du Congo. De même, la quasi-totalité de son assemblée est composée d’afro-descendants qui y trouvent un lien identitaire, linguistique et culturel. Tout comme lui, 70% des membres de son église sont des immigrés de plus de 30 ans. Les jeunes nés en France représentent 30% de ses adhérents.
Les immigrés ont la foi
Si l’église est majoritairement composée d’immigrées, la SJC développe des activités pour tous ses publics. Cette église de diaspora multiplie les propositions d’échanges, comme les retraites des femmes autour du célibat, du mariage, ou de la sexualité, les cours de prise en parole en public, la formation de futurs pasteurs, ou encore la collecte et la distribution de kits scolaires et de denrées alimentaires. « Ici, c’est comme un lieu de formation », pointe Samantha, une fidèle Gabonaise arrivée en France en 2010.
La France, terre d’athéisme ?
La France, « fille aînée de l’Église », est l’un des pays qui compte le plus d’athées au monde, selon les dernières études de l’Insee et du Statista Global Consumer Survey. Mais tous les groupes n’ont pas la même distance avec la foi. Alors que 58% de personnes sans ascendance migratoire sur deux générations se disent sans religion, seulement 19% des immigrés arrivés après 16 ans en France et 26% des descendants de deux parents immigrés se disent sans appartenance religieuse.
Cette religiosité, plus forte chez les immigrés et leurs descendants, explique l’émergence d’églises évangéliques africaines en Ile-de-France. Selon le Conseil national des évangéliques de France, il y a 745 000 protestants évangéliques pratiquants réguliers en France, un chiffre qui a été multiplié par 15 au cours des 70 dernières années.
Selon la Fédération protestante de France, « La Cité Royale » des églises Impact Centre Chrétien est devenue « le plus grand lieu de culte de France » après avoir inauguré un auditorium de 3 700 places assises à Croissy-Beaubourg (77), supplantant le complexe MLK Grand Paris en Val-de-Marne (94) et sa capacité de 1 000 places.
Une évangélisation inversée, de l’Afrique vers l’Europe
Si le christianisme existe en Afrique depuis le 4ᵉ siècle, la Bible a été réintroduite par les missionnaires occidentaux pendant la colonisation au 19ᵉ siècle. Alphonse, un fidèle Congolais de la SJC de 84 ans, témoigne avoir rencontré T. L. Osborn (1923-2013) au Congo en 1960, un missionnaire américain qui « a fait sortir les Africains du catholicisme pour qu’ils soient plus attirés par l’évangélisme ».
« Quand on arrive en Europe, on est souvent surpris de voir que ce continent qui nous a amené l’évangile n’est plus dans la foi », remarque le pasteur Nabié. Si l’église SJC est ouverte aux non-afro-descendants, ces derniers restent très minoritaires.
« Les nationaux ne se sentent pas forcément à l’aise, car le pasteur prêche à très haute voix et on danse beaucoup », explique Samantha. « Si pour eux c’est compliqué, je crois que chacun doit faire des efforts pour s’adapter ».