Une entreprise française propose à des étudiants d’animer des cours rémunérés de numérique à destination des seniors afin de pallier à l’illectronisme des aînés et à la précarité chez les jeunes.
Chaque jour, une nouvelle technologie fait son apparition. Si la jeune génération est dite née avec Internet, les plus âgés se retrouvent souvent en difficulté face au numérique. Selon une étude de l’INSEE, presque 62% des plus de 75 ans souffrent d’illectronisme – d’incapacité à maîtriser les compétences numériques.
« On a beau avoir une digitalisation des services publiques, pour la plupart, il n’y a pas d’accompagnement auprès du public éloigné du numérique », affirme Johanna GENTY, responsable des opérations au sein de Clic & Moi. Pour remédier à ce problème, cette entreprise propose des cours pour seniors dispensés par des étudiants. Sous la forme d’ateliers une dizaine de seniors apprennent progressivement à se servir d’Internet, à se créer des comptes, à communiquer via les réseaux sociaux avec leurs proches et sont sensibilisés aux arnaques en ligne. Ils sont alors rassurés, autonomes, et ont crée un lien fort avec leur professeur – un jeune étudiant.
Un complément de revenus et un sentiment d’utilité pour les étudiants
L’un des trois enjeux ciblé par l’entreprise est la précarité étudiante. Dans un contexte d’inflation où selon une étude menée par l’IFOP un étudiant sur deux a déjà sauté un repas, Clic & Moi leur propose un travail solidaire servant de complément de revenus. Un étudiant animant un atelier est payé entre 30 et 40 euros. En moyenne, un travailleur au SMIC est payé 11.52 euros de l’heure.
Au-delà de l’aspect financier, la responsable des opérations souligne qu’en devenant formateur, les étudiants développent des compétences qui leur seront utiles à l’avenir dans leur insertion professionnelle. Instruits par les membres de l’entreprise, les futurs professeurs reçoivent une heure de formation par petit groupe pour appréhender aux mieux les ateliers. Pour Johanna, il s’agit plutôt d’un moment d’échange, car pour la grande majorité d’entre eux, la pédagogie est déjà acquise. « Quand on leur pose la question : est-ce que vous avez déjà eu une expérience d’accompagnement numérique au sein de votre famille ? Ils nous répondent : oui, moi j’aide ma mère avec son téléphone. » confie-t-elle. Leur expérience personnelle leur prouve qu’il y a un véritable enjeu autour de la fracture numérique et que le manque d’accès à la technologie peut s’avérer être un handicap au quotidien.
Toujours selon Johanna, la jeune génération accorde de l’importance à l’idée d’être utile pour la société et l’avenir. Si la jeunesse s’engage dans différents domaines sociaux et environnementaux – pourquoi pas dans l’accompagnement des seniors vers le numérique ?
Un service intergénérationnel
L’intergénérationnel est la raison d’être de Clic & Moi. Son fondateur, Aaron TEBOUL est étudiant à Nice lorsqu’il met en place l’association SeniorPC en 2015. Alors qu’il aide sa grand-mère à se servir de son nouvel Ipad, il constate que de nombreuses personnes âgées se heurtent à la technologie. L’association grandie, devient une entreprise, et déménage à Paris.
Johanna qui rejoint les équipes de Clic & Moi en février dernier est convaincue des bienfaits de l’intergénérationnel. Elle affirme qu’il permet aux aînés de transmettre leurs expériences et de sensibiliser les plus jeunes aux enjeux du vieillissement. « Durant les ateliers, quand on va dire à quelqu’un de faire un clic droit, cela ne voudra pas dire cliquer sur le bouton droit de la sourie, mais de mettre la sourie droite pour cliquer ensuite », nous explique-t-elle.
Les groupes de seniors et l’étudiant étant les même pour chaque cycle d’ateliers, un lien social se crée entre eux. L’étudiant retrouve « sa grand-mère ou son grand-père de cœur » et le senior, « son ou sa petite-fille de cœur ». Ces rencontres hebdomadaires sont également un moyen de lutter contre l’isolement des personnes âgées et des jeunes. Selon l’association Les Petits Frères des Pauvres, en France 900 000 personnes âgées souffrent d’isolement. Chez les étudiants, la crise du COVID-19 a révélé la solitude des jeunes. L’IFOP révèle qu’un étudiant sur deux indique se sentir souvent seul.
Un service qui s’étend sur tout le territoire
En Île-de-France, où se trouve le siège de Clic & Moi, le taux d’illectronisme est le plus faible. Selon l’INSEE, ce sont dans les régions et plus particulièrement les campagnes que se trouvent la fracture numérique. Pour pallier à cette carence, l’entreprise s’implante progressivement aux quatre coins de la France métropolitaine. Après la région PACA – berceau historique de Clic & Moi – l’entreprise s’installera dès le début d’année 2024 dans dix autres grandes villes comme Lyon, Lille, Toulouse ou encore Nantes dans le cadre d’un partenariat avec la caisse de retraite Clésia. Ce dernier comptera 80 ateliers annuels et 200 ateliers distanciels pour ceux et celles qui ne peuvent se déplacer. Pour se développer, l’entreprise met en place des projets communs avec des acteurs privés comme des banques ou des opérateurs mobiles qui proposent à leurs clients des ateliers numériques. Johanna, qui s’occupe de la collaboration avec les acteurs publics nous explique que l’objectif est de compléter l’offre déjà mise en place par les collectivités territoriales par un atelier animé par un étudiant local. Sur l’ensemble du territoire, depuis sa création, Clic & Moi a accompagné 10 000 seniors et formé 5 000 étudiants.
L’ambition de Clic & Moi, affirme Johanna, est d’ouvrir à l’avenir ces ateliers à un public plus large.
Pour devenir formateur, l’étudiant peut candidater directement sur le site internet Clic & Moi ou via des plate-formes spécifiques aux travailleurs indépendants comme Student pop ou Staff Me.