Indépendance algérienne: briser le silence des harkis
Le 18 mars 2022 marquait le soixantième anniversaire de la signature des accords d’Évian, qui ont mis fin à la colonisation française en Algérie. À cette occasion, le président Emmanuel Macron s’est exprimé sur ses gestes mémoriels et sa volonté de “réconciliation des mémoires”.
Radio, télé et journaux français ont multiplié les rétrospectives et productions en lien avec la guerre d’Algérie et la relation franco-algérienne. Et si cette démarche est importante dans le travail de mémoire, elle ravive néanmoins des souvenirs durs et remue le couteau dans des plaies encore douloureuses – même soixante ans après. C’est le cas notamment pour les familles de harkis, ces supplétifs Algériens qui combattaient aux côtés des Français lors de la guerre d’indépendance.
Les harkis étaient près de 200 000 engagés par l’armée française pour des opérations particulières dans le cadre du conflit franco-algérien. Après la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962, ces soldats furent victimes de sanglantes représailles malgré une promesse de protection du gouvernement français. La France refusa leur rapatriement massif et l’Algérie les considéra comme des traîtres. Le président Algérien Abdelaziz Bouteflika qualifia même les harkis de “collaborateurs” en 2000.
Soixante ans plus tard, la littérature permet de briser l’omerta et de comprendre la souffrance des familles des harkis qui luttent pour dissiper le sentiment de honte qui marque leur histoire.
Ces trois livres sont une fenêtre sur l’engagement harki durant la guerre d’indépendance d’Algérie et le poids de cet héritage pour les enfants de ces Algériens murés dans le silence.
- Mon père, ce harki – Dalila Kerchouche
Dalila Kerchouche est née en 1973 dans un camp de harkis. Dans Mon père, ce harki, elle décide de partir à la recherche du passé de sa famille arrivée en France en 1962. Son père est un harki, elle le sait. Elle veut comprendre son histoire, son héritage. Cette quête identitaire, c’est un “voyage au bout de la honte”.
- Fille de Harki – Fatima Besnaci-Lancou
Fatima Besnaci a huit ans en 1962 lorsqu’elle échappe de peu au massacre des quelque 100 000 harkis accusés de trahison par le nouveau gouvernement algérien. Avec ses parents et ses quatre sœurs, elle fuit à bord d’un bateau qui traverse la Méditerranée pour emmener la famille en France – où ils seront accueillis au sein du camp de Rivesaltes. Besnaci raconte la souffrance de ces enfants de la guerre, refusés par l’Algérie, isolés par les Français.
- L’art de perdre – Alice Zeniter
Cette fresque romanesque est construite autour de Naïma, une jeune fille dont la société française ne cesse de la renvoyer à ses origines algériennes. Mais elle ne connaît pas ce pays auquel on l’associe. Son grand-père, harki Kabyle, est décédé. Sa grand-mère ? Elle ne parle pas sa langue. Quant à son père, depuis son arrivée en France en 1962, il refuse de se rappeler l’Algérie. Naïma essaie de renouer avec l’histoire familiale qu’on a longtemps effacée.