Khaled Abu-Qare, Palestinien né à Jérusalem, a rejoint le campus de Sciences Po Paris à la rentrée 2023. Depuis septembre, il tente de sensibiliser les étudiants au sort de son peuple confronté à une occupation coloniale.
Dans un café proche du campus de Sciences Po Paris, les yeux remplis d’ambition et l’air confiant, Khaled Abu-Qare, 28 ans, se présente déjà comme un activiste. Arborant un keffieh autour du cou, ce symbole de lutte et de résistance palestinienne, il affirme que tous les Palestiniens naissent avec une inclination pour l’activisme « en raison des souffrances qu’ils subissent depuis 75 ans ».
Une conférence à succès
Quelques semaines seulement après son arrivée sur le campus, Khaled Abu-Qare décide de créer l’association SJP (Students for Justice in Palestine), une association étudiante qu’il préside aujourd’hui et qui vise à sensibiliser sur la cause palestinienne. Khaled Abu-Qare se réjouit :
La SJP a dû passer par un processus de vote des étudiants et a reçu plus que le nombre de voix nécessaires pour être reconnue par Sciences Po comme une initiative étudiante. On avait besoin de 120 votes, on en a obtenu 437.
Depuis les attaques du 7 octobre et suite au nombre croissant de victimes palestiniennes, la SJP se focalise principalement sur des activités de sensibilisation sur la situation à Gaza.Le principal objectif de la SJP, qui compte entre 20 et 25 membres actifs, est de faire entendre la cause de la lutte palestinienne à travers différentes activités: fin octobre, l’association organisait une chaîne humaine silencieuse sur le campus pour dénoncer un silence médiatico-politique vis-à-vis de la situation à Gaza. Puis, en coopération avec d’autres associations étudiantes et militantes, comme Attac Sciences Po Paris, l’association s’est prêté à un “die-in”. Les étudiants du campus s’étaient allongés au sol et recouverts d’un drap blanc pour dénoncer le nombre de morts à Gaza et demander un cessez-le-feu. Fin novembre, l’association organisait sa toute première conférence dans un des plus grands amphithéâtres du campus. Le panel comprenait Lara Elborno, une palestino-américaine et avocate en droit international, Rahma Zein, une activiste égyptienne et experte des médias, et enfin Anne Paq, journaliste française qui a travaillé plusieurs années en Palestine, y compris à Gaza.
Le jeune président de la SJP souligne néanmoins les défis que rencontre son association, du harcèlement verbal jusqu’aux tentatives d’intimidation: « Nos membres se sont fait harceler verbalement plusieurs fois lors de la distribution de flyers à nos événements. Nos posters ont été arrachés par des étudiants du campus. » affirme-t-il. Certains étudiants ont essayé de provoquer nos membres et ont essayé de les filmer pour obtenir des réactions de leur part ». Mais cela n’entame pas sa détermination. D’autant que les soutiens sont nombreux, eux aussi.
« Vous n’imaginez pas tout l’amour que j’ai reçu par message à l’occasion de la dernière conférence que nous avons organisée avec la SJP ! » s’exclame-t-il.
Loin du pays
Heureux de ce succès, l’activiste n’en reste pas moins alarmé de ce qui se passe à Gaza. Il déplore :
Lorsque je suis arrivé en France, je pensais que mes principales préoccupations seraient mes études et me faire de nouveaux amis ici. Cependant, je me suis retrouvé à m’assurer que ma famille demeure en bonne santé en Palestine.
Militer pour faire entendre les voix des siens s’accompagne également d’un poids psychologique: « C’est psychologiquement et mentalement très impactant pour nous. Pour la première fois, il y a une guerre à Gaza et je suis loin de mon pays. »
Ce militantisme s’inscrit dans la continuité de ses engagements précédents, notamment à l’Université de Birzeit où il a étudié l’administration publique et les relations internationales. Originaire de la ville de Ramallah en Cisjordanie, territoire faisant face à une recrudescence d’attaques de colons israéliens, que Khaled Abu-Qare ne manque pas de souligner: « Lorsque j’ouvre la fenêtre de mon balcon, la première chose que je vois dans la montagne, c’est une colonie israélienne illégale, appelée Psagot, » il décide alors de co-fonder avec un groupe de jeunes activistes palestiniens, l’initiative Faz3a. « Cette association vise à soutenir les agriculteurs palestiniens pendant la récolte des olives, notamment ceux qui endurent la violence des colons en provenance d’Israël. » informe-t-il.
L’espoir dans la solidarité
Khaled exprime sa gratitude envers ceux qui marchent à travers le monde pour soutenir la Palestine et salue les différentes formes de solidarité. « En arabe, nous disons « بالعتمة بتعرف مين نجومك » cela signifie littéralement « il n’y a que dans l’obscurité que vous reconnaissez vos étoiles ». Mais la lutte pour la justice en Palestine doit se poursuivre, insiste-t-il. « Dans ces moments difficiles, les Palestiniens prennent note de ces personnes qui osent parler malgré les défis. Ce sont nos étoiles. » indique-t-il. Quant à l’avenir de son association, Khaled Abu-Qare continue de mettre en place des activités de sensibilisation, à l’instar d’un rassemblement étudiant organisé mi-décembre sur le campus durant lequel les étudiants ont entonné des chants de soutien tels que: « Gaza, Gaza, Sciences Po est avec toi ! ».